La croix de Savoie, liserée de bleu roi et surmontée de la couronne, figurait au centre du drapeau vert-blanc-rouge du Royaume d’Italie [1re photo], sur lequel régnait la Maison de Savoie-Carignan, sa fondatrice en 1861. Cette croix de neige sur fond de braises apparaissait également, sans fioriture, parmi les fanions et insignes des troupes de la République française affectées au Secteur fortifié de Savoie [2e photo, sur l’écusson de l’Armée des Alpes].
Ainsi se présentaient les deux camps face à face le long de la frontière des Alpes du Nord quand, le lundi 10 juin 1940, au balcon du palais Venise à Rome, le «Duce» (Chef) Benito Mussolini, président du conseil des ministres, proclamait à la foule massée sur la place située en contrebas que l’Italie fasciste, se ralliant «infine» à Berlin, avait déclaré la guerre à la France et au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, déjà aux prises avec l’Allemagne nazie depuis début septembre 1939.
«La déclaration de guerre est loin de faire l’unanimité dans la population transalpine», raconte le Mauriennais Laurent Demouzon dans «Savoie: juin 1940 – L’ultime victoire – Beaufortain, Tarentaise, Maurienne», un livre à compte d’auteur paru en 2000 et réédité en 2010. «Les habitants des vallées alpines frontalières sont très proches de la France car la Savoie et Nice [dans les Alpes du Sud] ne sont séparées du Piémont que depuis quatre-vingts ans».
Depuis qu’au printemps de 1860, Victor-Emmanuel II, de la Maison de Savoie-Carignan, roi de Piémont-Sardaigne et, dès l’année suivante, de l’Italie unifiée, avait «consent[i] à la réunion de la Savoie et de l’arrondissement de Nice (“circondario di Nizza”) à la France», alors du Second Empire, de Napoléon III.
En ce printemps de 1940, c’était son petit-fils, Victor-Emmanuel III, qui occupait à Rome le trône royal d’Italie. Héritage d’une histoire commune longue de huit siècles et quelques (du comté de Savoie en 1032 au royaume de Piémont-Sardaigne en 1860), les habitants du versant italien des Alpes du Nord «possèdent [donc toujours] des cousins dans les troupes françaises et l’idée de leur tirer dessus leur est insupportable», narre encore Laurent Demouzon, de Saint-Jean-de-Maurienne, dans «Savoie: juin 1940 – L’ultime victoire – Beaufortain, Tarentaise, Maurienne» (192 pages, 34 euros).
«À Aoste, la foule réunie ne scande pas des cris d’enthousiasme, mais des cris de honte. Attaquer la France, alors qu’elle vient de subir sa plus grande défaite de tous les temps [face à l’Allemagne hitlérienne en mai et juin 1940], est un acte de lâcheté. Ce pays qui est venu au secours de l’Italie en 1917! Celui qui accueille depuis des années les émigrants italiens! Non, la déclaration de guerre ne recueille pas l’enthousiasme que veut faire croire la presse» fasciste. Les hostilités, favorables à la France sur ce front-là, cessèrent le mardi 25 juin 1940 avec l’armistice signé la veille à la villa Incisa d’Olgiata, près de Rome. Paris, contrainte à capituler deux jours auparavant face à l’Allemagne, s’était trouvée obligée d’agir de même avec l’Italie, alliée de Berlin. Deux semaines d’état de guerre mais, dans la réalité, quatre jours de combats, du 21 au 24 juin 1940. Côté français, du nord au sud des Alpes, 37 morts et 62 blessés furent à déplorer; côté italien, 642 morts et 2.631 blessés.
(Agence de presse indépendante de Savoie APIS, 27 juin 2015)